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Le 1er Hebdomadaire d’informations en Centrafrique

28 Mar

Dialogue républicain ou dialogue d’intérêts ?

Dialogue républicain ou dialogue d’intérêts ?

En Centrafrique, le pouvoir en place, après des sauts d’humeur avec l’opposition sur la forme et la nature des assises, a fini par organiser le dialogue républicain qui est censé ramener la paix et la sécurité et mettre fin à l’interminable crise centrafricaine. Recommandé et attendu par les principaux partis de l’opposition, le dialogue républicain s’est finalement tenu sans les principaux leaders de l’opposition. Ainsi d’incompréhension en incompréhension, la plateforme de l’opposition s’est retrouvée disloquée. A l’issu des travaux en commission, les recommandations suivis des débats en plénières laisse transparaitre des intentions cachées des uns et des autres. De tout ce qui précède, la question suspendue à toutes les lèvres est de savoir  si vraiment il s'agit d'un Dialogue Républicain ou un Dialogue d'Intérêt ?

 

Dans l’hémicycle du palais du peuple à Bangui le dialogue a quand même eu lieu malgré le boycott des partis de l’opposition en l’absence des leaders des groupes armés qui devront se contentés de l’APPR. En effet, comme promis par les autorités centrafricaines, le dialogue pour ramener la paix et la sécurité, se déroule sans les groupes armés, dont les principaux leaders sont exilés au Tchad. Aussi compte tenu de la promesse de boycott de la plateforme de l’opposition, le dialogue a manqué la participation des poids lourds de l’opposition.

Un dialogue à sens unique, un coup d’épée dans l’eau ?

Le but d’un Dialogue est toujours la recherche d’un compromise entre deux opposants, mais entre les alliés c’est une retrouvaille. Beaucoup sont ceux qui estiment le combat est perdu d’avance, que ce dialogue n’atteindra pas les objectifs escomptés.

Il y a quelques jours, le président Touadéra avait annoncé, à la surprise générale, que le "Dialogue républicain" avec l'opposition et la société civile, qu'il avait promis à l’aube de sa réélection, aurait lieu lundi 21 mars, mais sur un programme resté très vague sans évoquer d'objectifs concrets à l'issue de débats prévus pour durer une semaine seulement.

Le chef de l'Etat a ouvert le Dialogue républicain en présence de plusieurs centaines de participants de la majorité, de la société civile et de personnalités invitées à la cérémonie d'ouverture dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. "Nous sommes tous mobilisés autour des idéaux de paix (...) il n'y a pas de sujet tabou, nous sommes là pour percer l'abcès (...), pour laver le linge sale en famille", a-t-il lancé de la tribune, encadré par deux membres russes de sa garde rapprochée, les visages masqués.

La veille, la quasi-totalité des partis de l'opposition ont annoncé qu'ils refusaient de participer au dialogue principalement parce que les rebelles n'y sont pas conviés et que le programme ne prévoit rien sur ce qu’elle appelle la "question de la crise post-électorale", c'est à dire ce qu'elle considère comme la réélection non légitime de M. Touadéra le 27 décembre 2020 par une partie très faible du corps électoral.

L’opposition s’est finalement retrouvée divisée face à sa participation au dialogue républicain. 48h après avoir annoncé un boycott, la coalition de l'opposition COD2020 a exclu son propre président en exercice. Un autre opposant qui participe au dialogue a démissionné de la coalition.

Toutefois, l'opposition et les experts de la région ont fustigé par avance un dialogue longtemps retardé pour être finalement annoncé à la hussarde et surtout sans qu'aucun objectif ne soit fixé pour qu'il débouche sur des mesures concrètes. En dehors de la promesse d'une "feuille de route" destinée à mieux intégrer l'opposition et la société civile dans la gouvernance du deuxième pays le moins développé du monde, selon l'ONU.

En l'absence des groupes armés et rebelles, et désormais de l'opposition politique, il y peu de chance qu'il aboutisse à des changements significatifs en matière de sécurité et de partage du pouvoir, experts et diplomates estimant que le président répond finalement juste à une exigence de la communauté internationale en tenant ce dialogue qu'elle finance. Et notamment de l'ONU, qui a placé depuis des années sous perfusion ce pays où la moitié de la population survit dans un état d'insécurité alimentaire aigüe et qui y a déployé depuis 2014 une de ses plus coûteuses missions de Casques bleus.

Pourtant beaucoup sont également ceux qui estiment qu'il n'existe aucune opposition démocratique en Centrafrique qui veille sur l'intérêt de la nation. Dans une vraie démocratie on privilège toujours l'intérêt général du peuple. Le manquement du gouvernement dans ses engagements vis-à-vis de l'opposition, ne devrait pas être un obstacle pour le Dialogue.

Des recommandations fortes

Un Après la phase de travail en commission, les débats en plénière se sont ouverts jeudi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

Parmi les recommandations de la commission « politique étrangère et coopération », dit son président Fleury Junior Pabandji, il y a celle de revoir les accords avec la France.

« La France a toujours été au chevet de la République centrafricaine, mais la plupart des participants ont pensé que depuis une décennie, la France a tourné le dos au peuple centrafricain. »

D’autres intervenants réclament des clarifications sur l’accord de défense avec Moscou : « Les soldats présents sont-ils réellement des instructeurs ? Sont-ils là pour former ou combattre ? » s’interroge l’un d’eux.

Tous appellent à augmenter le budget de la défense : « Il faut payer les primes d’alimentation de nos soldats » lance une participante, « et dissoudre les milices notamment celle des “requins” qui sévissent dans la capitale » ajoute un autre.

Jean-Sosthène Dengbé, président de la commission paix et sécurité : « À Bangui, on ne peut plus parler de milices puisque même au Kilomètre 5 les gens circulent. Je crois que certaines personnes reviennent par d’autres manières comme les braqueurs, les voleurs. C’est ce qui existe dans toutes les grandes villes du monde. »

La modification de la Constitution s’invite dans les débats

Samedi 26 mars, s’ouvre le dernier jour des débats du dialogue censé mettre un terme à la crise qui secoue la Centrafrique depuis plusieurs décennies. Le vendredi, les débats ont porté sur la « bonne gouvernance et l’État de droit », mais la question d’une possible révision constitutionnelle a aussi été abordée.

C’était la plénière que tous attendaient : la commission « bonne gouvernance » recommande une révision partielle de la Constitution, au motif qu’elle a été adoptée sous un régime de transition. Héritier Doneng, président du Front républicain et directeur de cabinet du ministère de la Jeunesse et des Sports, explique que « la loi ne dispose que de l'avenir ». « Aujourd'hui, on ne fait que parler de la transition. Du coup, cet article ne cadre plus au contexte du pays », ajoute-t-il.

Une révision de la Constitution pourrait aussi ouvrir la porte à une nouvelle candidature du président Faustin-Archange Touadéra. Cette éventualité ferait l'objet d'un référendum si elle devait voir le jour, répond Héritier Doneng. « C'est au peuple de décider », insiste-t-il.

Fidèle Guandjika, ministre conseiller spécial à la présidence, y est favorable : « Je suis pour l'amélioration de cette Constitution qui nous a été imposée par les armes pendant la Transition. S'il y a un référendum et qu'une nouvelle Constitution est votée et promulguée, alors les compteurs seront remis à zéro, parce que la loi n'est pas rétroactive. Donc tout Centrafricain peut se présenter à la magistrature suprême de l'État. »

« Ce dialogue n'est pas qualifié pour décider la modification de la Constitution »

La recommandation de la commission fait bondir la société civile, qui menace de se retirer du dialogue. Me Bruno Hyacuinthe Gbiegba, militant des droits de l’Homme, y voit une volonté du président Touadéra de se maintenir au pouvoir : « Il trouve des justifications pour rester au pouvoir indéfiniment. C'est très maladroit. Je lui dirais de rester son engagement et la loi fondamentale, à savoir deux mandats et un départ. Parce que nul n'est irremplaçable. »

Gervais Lakosso, de la société civile, menace de claquer la porte si cette recommandation est adoptée : « Ils ne l'obtiendront jamais par la voie légale. C'est constitutionnellement verrouillé ! Ce dialogue n'est pas qualifié pour décider la modification de la Constitution. Toute idée de troisième mandat est d'office une violation de la Constitution. C'est verrouillé par l'article 153. »

Les échanges sont houleux à l'Assemblée nationale. Le présidium se retire, puis revient pour annoncer que le dialogue n’est pas compétent sur le sujet. Il renvoie la question au président de la République et à l’Assemblée nationale.

Le dialogue républicain, censé mettre un terme à la crise qui secoue la Centrafrique, se déroule sans les groupes armés, dont les principaux leaders sont exilés au Tchad, ni les poids lourds de l’opposition, qui ont choisi le boycott.

La rédaction

 

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